vendredi 22 mai 2009

Mario Lanza, un ténor en technicolor





Maria Callas déclara en 1973 que Mario Lanza avait la plus belle voix de ténor qu’elle ait jamais entendu et que son grand regret était de n’avoir pu chanter à ses cotés. Toscanini prétendait également que c’était la plus grande voix du 20ème siècle. Pourtant, le moins qu’on puisse dire c’est que Mario Lanza n’a vraiment pas fait l’unanimité parmi les amateurs d’opéra. Lui reproche t’on d’avoir privilégié une carrière dans des comédies musicales à Hollywood aux grandes scènes de l’art lyrique ? Petit portrait d’un artiste aussi populaire que controversé.

Né en 1921en Philadelphie, Mario Lanza a toujours été fasciné par le grand chanteur d’opéra Caruso. Après avoir pris des cours de chants pendant son enfance, c’est pendant la guerre, qu’il aura l’occasion de faire valoir ses talents en donnant des spectacles pour son régiment. A son retour dans la vie civile, sa voix puissante est très vite remarquée. Après s’être perfectionné avec un ancien prof de Benjamino Gigli, il est engagé pour jouer l’opéra de Puccini Mme Butterfly, pour lequel il recueille des critiques dithyrambiques. Remarqué par le patron de la MGM et le producteur Joe Pasternak, spécialiste des comédies musicales matinées d’air d’opéra, tous les 2 complètement enthousiasmé, il fait des débuts très remarqués dans le baiser de minuit (1949) avec Kathryn Grayson. Le film est très conventionnel (franchement, quand je l’ai vu sur TCM, je l’ai trouvé bien ennuyeux.) et alterne, dans la vieille formule chère à Pasternak, chansons nouvelles et des extraits des airs d’opéra les plus connus du répertoire. Pourtant la voix de Mario Lanza fera du film un triomphe.

Le second, marchera encore mieux et la chanson be my love, sera un tube qui se vendra à plus d’1 million d’exemplaire. Le succès du chanteur est phénoménal et l’adulation qu’il provoque peu commune. Un succès aussi foudroyant a de quoi tourner la tête et Mario Lanza, sûr de son talent et enthousiasmé par la fascination qu’il exerce sur les foules, va un peu perdre les pédales.

Irritable, il devient très vite insupportable sur les plateaux, au point que Kathryn Grayson refusera de tourner un 3ème film à ses cotés (on raconte qu’il profitait des scènes d’embrassades -très chastes à l’époque- pour essayer de la draguer de façon fort entreprenante). En 1951, Lanza réalise son rêve et tient le rôle de son idole Caruso dans la très bonne biographie du célèbre ténor, encore un triomphe au box office. A partir de ce moment, Lanza au faite de son succès, est persuadé qu’il est devenu encore meilleur que son modèle, en somme le meilleur chanteur d’opéra de tous les temps ! Et il devient carrément exécrable sur les plateaux : très soucieux de la qualité artistique de ses films, il se heurte aux producteurs qui visent avant tout des cibles commerciales.

Contractuellement, il est obligé d’accepter de jouer tu es à moi (1952), dont il juge le thème racoleur et stupide (un GI devient chanteur d’opéra), mais se défoule sur les autres artistes et se réfugie dans en état d’ébriété quasi permanente pendant le tournage (sa partenaire la pauvre Doretta Morrow sera si dégoûtée qu’elle refusera de jouer dans un autre film après !). Outre la boisson, Mario ne sait pas résister à la bonne chaire et avale des repas pantagruéliques (pour le petit déjeuner, 4 steaks+ 6 œufs avec de grandes quantités de lait). Il devient tellement gros, qu’il n’est pas présentable pour jouer le prince étudiant (1954), opérette ayant déjà fait l’objet d’une célèbre version muette, dont il a pourtant enregistré les chansons. De surcroît, le réalisateur a osé remettre en question ses qualités d’interprétation ! La MGM utilisera donc seulement sa voix pour le film, avec le très fade Edmund Purdom mimant les mouvements des lèvres sur le play back. Le disque 33T sera un très gros succès.
Viré de la MGM, Mario Lanza est alors en posture délicate. Mélangeant barbituriques et alcool, crises de boulimie et cures intensives d’amaigrissement, il est vivement critiqué quand il chante en play-back dans un show télé avec Betty Grable (à l’époque, ça ne se faisait pas du tout) et du coup certains commencent à remettre en doute ses talents de chanteur, d’autant plus qu’il est obligé d’annuler une série de récitals à Las Vegas.

En 1956, Sérenade, produit par la Warner Bros, avec Sarita Montiel, remporte un succès beaucoup plus mitigé que ses films précédents. Très déçu, le chanteur décide de s’installer en Italie (il est très populaire en Europe) où il tournera deux films assez moyens qui lui permettent d’entonner d’autres arias ultra célèbres et des mélodies italiennes très en vogue comme Come prima ou arrivederci Roma. Il envisage alors de se produire à la Scala de Milan afin de démontrer toute l’étendue de son talent sur scène. Hélas, la mort l’en empêchera. Usé par l’alcool, les cures d’amaigrissement, des problèmes de tension artérielle, il décède peu après d’une embolie pulmonaire. Sa femme mourra d’une overdose quelques mois après (en laissant 4 enfants). Sa nièce Dolores Hart jouera dans quelques films (Ces folles filles d’Eve avec Connie Francis, avant d’entrer au couvent).

Tragique destinée que celle de Mario Lanza, dont l’engouement sur les foules le fit comparer à Elvis Presley. Mais vient immédiatement la question (et je compte notamment sur Cathy et Lilah pour me donner leur sentiments) ; était il un aussi fabuleux chanteur d’opéra qu’il le pensait ? On a déjà vu que Maria Callas et Toscanini le portaient aux nues. D’autres ont prétendu qu’en dépit de l’extraordinaire puissance de sa voix, ce n’était pas un fin interprète, qu’il parvenait sans mal à claironner au cinéma les « tubes » du classique, mais qu’il aurait été incapable de tenir sur un opéra entier, etc…S’il avait dédaigné les offres d’Hollywood pour se consacrer aux grandes scènes, serait-il plus admiré aujourd’hui à l’égal de Maria Callas ?
En tous les cas, ses films ont enthousiasmé beaucoup de cinéphiles et fait découvrir l’opéra à beaucoup de gens qui n’étaient à l’origine pas sensibles à l’art lyrique. José Carreras a d’ailleurs déclaré que s’il avait entamé sa carrière, c’est Mario Lanza qui lui en avait donné l’envie. Pour avoir ainsi popularisé l’opéra, on ne peut que tirer un très grand coup de chapeau à Mario Lanza.

2 commentaires:

  1. Oui, qu'un grand maestro comme Toscanini qui avait dirigé CARUSO et GIGLI, livre son diagnostic, ainsi que Maria CALLAS, la grande cantatrice du XXè siècle, et que d'autres cantatrices comme Renata TEBALDI ou Lucia ALBANESE indiquent, qu'il avait un voix naturelle extraordinaire, la douceur de GIGLI et la puissance de CARUSO, n'est pas un hasard.Il a chanté sans micro dans une salle pleine à Londres et à Bruxelles. En 1959, les musiciens de l'opéra de Rome qui s'atttendaient à voir un ténor de cinéma lors de l'enregistrement d'un extrait de l'opéta Aïda pour son dernier film" la fille d Capri" ont été stupéfaits par la puissance et la pureté de sa voix qui couvrait l'orchestre.Ils se sont précipités pour la décdicace de ses disques.

    Il gagnait plus par les films, concerts que sur une scène lyrique.Bien avant PAVAROTTI, BOCELLI et ALAGNA, il a chanté l'opéra, l'opérette et les variétés, imitant même d'autres chanteurs.
    Son émotion lorsqu'il chante est unique. Ecoutez Granada,même par le microsillon, ce n'était pas encore le numérique, son interprétation reste inégalée. Guy CREQUIE, poète, écrivain et chanteur lyrique pour la paix.Blog http://guycrequie.blogspot.com

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