mardi 1 décembre 2009

Georges Milton, brave titi parisien






Roublard et rigolard, Georges Milton connut une formidable popularité auprès du grand public au début du parlant. Des films faciles où le facétieux petit comédien réussissait toujours à faire fortune grâce à son incroyable culot et son sens de la répartie. Longtemps ces productions furent houspillées par les critiques qui le jugeaient populistes et primaires. Pourtant quand on les revoit aujourd’hui, on est surpris par la verve et l’humour de celui qu’on surnommait « Bouboule ». Quand à ses chansons comiques, beaucoup ont franchi les décennies (je lui fais pouet pouet, la fille du bédouin, c’est pour mon papa) sans que les auditeurs les associent d’ailleurs à leur créateur.
Milton, né en 1888 dans la coquette commune de Puteaux a fait ses débuts au casino de la ville, en tant que chanteur comique en imitant Dranem, l‘incontournable interprète d‘« ah les petits pois! ». Sous les applaudissements ou sous les huées, Milton va apprendre son métier de fantaisiste en tirant partie de sa personnalité joviale et de sa simplicité. Pendant la première guerre mondiale, l’artiste joue les clowns au cirque de Moscou. Après le conflit, on le retrouve ainsi à la Gaîté Rochechouart où il triomphe avec des chansons idiotes, spécialité très prisée à l’époque. Le succès remporté dans les cafés concerts le conduit rapidement dans le monde de l’opérette où sa bonne humeur communicative et son entrain remportent tous les suffrages. Milton y incarne l’homme de la rue, le bon garçon un peu trop rondouillard, un peu trop petit, tout à fait quelconque et c’est pour cela que chaque spectateur se reconnaît en lui. La fille du bédouin tiré du spectacle comte obligado est un tube de l’année 1927 (et l‘on entendait encore dans le film Milou en mai de Louis Malle 60 ans plus tard). Ses premières apparitions au temps du cinéma muet (dans des films où il partage l’affiche avec Maurice Chevalier et Florelle) passent inaperçues : il faudra l’avènement du sonore pour que le chanteur comique explose enfin à l’écran. Le roi des resquilleurs fait de lui la grande vedette comique du cinéma français. En pleine crise économique, son personnage de tricheur qui se faufile dans les files d’attente et se joue de la moindre complication avec un air hilare et le recours au système D, fait l’unanimité….parmi le public populaire. Et la chanson « j’ai ma combine », relayée par le disque et la radio renforce le succès du film. Le roi du cirage (1930) un peu trop calqué sur le précédent sera plus froidement accueilli (ici Milton expérimente de nouvelles mixtures pour faire briller les chaussures). On est surpris au passage d’y admirer des girls dans des chorégraphies filmées en plongée qui font songer à celles que Busby Berkeley réalisera 3 ans plus tard à la Warner Bros. Si la réalisation est assez maladroite, les plaisanteries grivoises et l’œil coquin du comédien , ainsi que d’intéressantes vues du Paris des années folles sauvent le film de la naphtaline.
Produit par la Gaumont, la bande à Bouboule est un énorme succès, tout comme nu comme un ver qui bénéficie d’une musique de Maurice Yvain et d’un livret signé Jean Boyer, en passe de devenir le réalisateur spécialiste des comédies musicales à la française. Dans chaque film, Milton case quelques chansons un peu graveleuses, qui font la joie des grands et des petits (qui pourtant ne doivent pas comprendre tous les sous-entendus). Il enregistre des monuments de finesse comme c’est pour mon papa (faire pisser Mirza, c’est pour mon papa), ou si tous les cocus avaient des clochettes. Avec toutes ces gaudrioles et cet esprit très gaulois on aurait pu s’attendre à ce que l a gloire de Milton se limite à la France, or la plupart de ses films furent exportés à l’étranger. Doublé en allemand, la bande à Bouboule triompha à Berlin.
En 1932, Georges Milton triomphe sur scène dans la version française de la célèbre opérette l’auberge du cheval blanc, et à l’écran dans l’adaptation filmée du Comte obligado (sorti en DVD depuis peu) avec l‘espiègle Paulette Dubost. Les dialogues y sont souvent assez lestes, libertins et parfois drôles. Milton, qui se fait passer pour un comte croit déceler des allusions sexuelles dans les interventions des gens de la haute qu'il côtoie. C'est limite vulgaire, mais ça fonctionne. Il est impayable quand il danse avec agilité sur ses toutes petites jambes. Si Milton nous livre une version épatante de la fille du bédouin, on est atterré par la stupidité de la chanson sur les artichauts : difficile de faire plus débile!
On peut se demander si , malgré son succès populaire, l’acteur n’a pas été blessé par les critiques condescendantes dont il a souvent fait l’objet. Rêvant de renouveler son personnage, il crée la surprise en produisant lui-même Jérôme Perrau, roi des barricades …dont il confie la mise en scène à Abel Gance! Fantaisie historique bouffonne, c’est un film aimable et pas du tout déplaisant même si on n’y reconnaît pas un instant la patte de l’auteur de Napoléon. En tous les cas, le succès ne sera pas au rendez-vous.
Dans la seconde partie des années 30, le cher Bouboule va connaître un déclin certain, éclipsé par de nouveaux comiques et par des comédies beaucoup plus sophistiquées venues des USA. Pendant l’occupation, il enregistre encore quelques disques où il vante la débrouillardise des français et le marché noir.
A la libération, l’artiste au visage hilare connaît un regain de succès et sa chanson « ploum ploum tralala » est sur toutes les lèvres. Rien de tel que sa bonne bouille et sa gouaille pour remonter le moral d’un public sortant tout juste de la guerre. En 1948, Milton prend sa retraite et rédige ses mémoires.
Installé à Antibes, il fait partie du jury lors du premier festival de la rose d’or de Juan les pins en 1962.
En 1967, le charmant papy fait une apparition remarquée dans un show TV présenté par Michel Drucker. Multipliant les clins d’oeils, le brave petit bonhomme est chaudement applaudi par un public d’ados et déclare être à l’origine de la vague yéyé avant d’entonner c’est pour ma pap avec un petit pense-bête à la main. Milton est décédé en 1970.
Comme aucun de ses films n’est vraiment intéressant sur un plan strictement artistique et cinématographique, ils ne sont plus jamais rediffusés. Dommage, car c’est un témoignage des belles heures du caf conc' et d'un certain humour à la française.

mardi 24 novembre 2009

Kabir Bedi, héroïque corsaire de Bollywood









Qu’il est loin le temps où après avoir joué dans la cour de l’immeuble les enfants se précipitaient pour regagner leurs pénates afin de suivre à la télévision la suite des aventures de Sandokan, le feuilleton fleuve diffusé par TF1. Saga romantique au parfum d’aventure, dominé par la présence et le visage de christ de Kabir Bedi , héros d’une jeunesse en quête de dépaysement facile et de rêve.
Grâce à ce feuilleton, celui qu’on surnomma l’Omar Sharif du pauvre a pu s’imposer dans quelques productions hollywoodiennes dont un James Bond avant de s’embourber dans des soaps opéras mondialement connus pour leur médiocrité. En tous les cas, à l’heure où certains acteurs de Bollywood commencent à faire parler d’eux en occident, j’avais envie de rendre hommage à ce héros de mon enfance (n’avait-il pas un Big Jim à son effigie?), qui bien avant Sharrukh Khan avait conquis le public européen.

Né en 1946, d’un père indien et d’une mère anglaise, Kabir Bedi n’était guère attiré à l’origine par le métier d’acteur.
Après avoir fait un peu de théâtre et posé dans diverses revues de mode, le jeune homme est repéré par le producteur O.P. Ralhan, qui lui confie un rôle secondaire dans le thriller Hulshul aux cotés de Zeenat Aman, le plus important sex symbol indien de l’époque (et probablement la plus sexy de toutes les jolies comédiennes à avoir hanté les écrans de Bollywood). Si la voix basse de l’acteur impressionne d’emblée les spectateurs , comme le reconnaît humblement Kabir, le film est un échec monumental de même que la plupart des films indiens dans lequel il va tenter de s’imposer dans les années qui suivent, à l’exception notable de Kuchhe Dhaage de Raj Khola. En dépit d’un physique irréprochable et d’une stature (1 m 91) de colosse qui tranche nettement avec les acteurs un peu adipeux de l’époque, le play-boy aux yeux dorés maîtrise mal l’hindi et n’a aucune prédisposition pour la danse. Ennuyeux dans un pays où les films contiennent quasiment tous de larges passages musicaux. Peu motivé, l’acteur ne se faire guère remarquer dans les films qui suivent . Dans Nagin (1976), film d’horreur puéril à souhait, il est une des nombreuses victimes de la femme serpent qui venge son fiancé tué par un chasseur.
L’acteur pose également pour les magazines de mode : c’est là qu’il est remarqué par Sergio Sollima, un réalisateur italien qui vient jusqu’en Inde pour lui proposer un rôle pour la série télé qui va changer sa vie : Sandokan, l‘intrépide pirate qui combat avec acharnement les britanniques (en dépit des réticences des producteurs qui auraient préféré un acteur italien). Le public populaire acclame ce nouvel héros dans la droite lignée des Douglas Fairbanks et Zorro : la série connaît un immense succès en Europe : l’image de Sandokan se décline en poupées, bande dessinée, tee-shirts , sandales (j’avais une amie qui les exhibait fièrement). Considéré comme un demi dieu en Italie, Kabir laisse de marbre les critiques français qui le trouvent mollasson et insipide et s’interrogent devant cette hallucination collective pour cette série qu’ils jugent parfaitement creuse.
N’ont-ils pas compris que les spectateurs sont en quête de rêve et d’évasion qu’apportait autrefois westerns et films d’aventures, et que la télévision relaie désormais au grand public? En tous les cas, Kabir, fêté comme une pop star en profite pour enregistrer un 45 T en anglais où il déclame des mots d’amour sur un air de variété : à réserver aux amateurs de kitsch.
Sollima, le réalisateur de la série met en scène ensuite Kabir pour le grand écran dans un autre film d’aventures : le corsaire noir, qui offre encore à l’acteur un personnage romantique et torturé, le cœur déchiré par un amour impossible. En dépit d’impossibles dialogues et d’une interprétation perfectible, c’et le genre de divertissement qui se regarde avec indulgence et nostalgie d‘une époque révolue. Kabir retrouve ensuite son personnage de Sandokan pour différentes suites (le tigre de Malaisie) sur grand écran.
Le phénomène Sandokan attise la curiosité des américains qui pensent avoir décelé un nouvel Omar Sharif. Kabir rejoint le fameux comédien égyptien et des stars aussi prestigieuses que Michæl Caine dans ashanti (1979) du grand Richard Fleisher. Le résultat s’avère décevant et un peu ennuyeux en dépit de l’étincelante distribution et d’un Kabir mystérieux et charismatique. Ultime pas vers la gloire internationale Kabir joue les méchants dans Octopussy, un film de James Bond. Pourtant, l’acteur peine à trouver des engagements à Hollywood. Amer, il déclarera plus tard que les américains boudent les acteurs étrangers. Avec sa petite notoriété aux USA, l’acteur se tourne alors vers les feuilletons télé comme le soap opéra général Hospital ou encore Dynasty.
Auréolé par son succès occidental, l’acteur revient en force dans l’univers coloré et musical de Bollywood où depuis 1976, il est apparu sporadiquement dans des productions mineures. Khoon Bahatri maang (1988) est le remake du feuilleton australien « la vengeance aux 2 visages » qui remporta un succès international. Vous souvenez-vous de ce mari cupide qui jette aux crocodiles sa femme pas très jolie pour récupérer sa fortune. Manque de chance, elle a survécu à ses blessures et embellie par la chirurgie plastique, elle est bien décidée à se venger! On comprend qu’un tel sujet (et surtout le thème de la vengeance) ait séduit les indiens. Le résultat, kitchissime, est peut être encore meilleur que l’original grâce à la prestation de la fascinante Rheka (parmi les inévitables chansons, on remarquera une version hindi des chariots de feu de Vangélis). Kabir campe avec beaucoup de réalisme l’odieux mari.
Hélas, après ce grand succès, Kabir va enchaîner (par manque de discernement) des rôles de méchants dans des films si nuls qu’il vont gravement compromettre la suite de sa carrière. Lambu dada (1992) bât tous les records dans le genre. Jugez en par le scénario :
Alors qu’il manque de se noyer dans une cascade, le colossal truand Lambu Dada est sauvé par la gamine de 10 ans qui le tire de là avec ses petits bras. Pour tout remerciement, Lambu Dada l’étrangle à moitié. Pris de remords, il conduit l’enfant à l’hôpital où on la guérit avec une piqûre. Le film est d’une rare imbécillité .
Après avoir atteint ce nadir cinématographique, Kabir trouve refuge dans tous les feuilletons télé américains, d’amour gloire et beauté ou the bold and the beautiful. Ces romances pour ménagères tournées au jour le jour ne le gènent pas « en tant que comédien, il faut se plier à tous les médias ». A Bollywood, son rôle récent le plus mémorable est celui du général de main Noon Na (2004) de Farah Khan, une vraie réussite du genre, véritable patchwork bariolé, une comédie musicale étudiante sur fond de terrorisme . En revanche, on passera rapidement sur Taj Mahal où il incarne l’empereur qui , fou de douleurs après le décès de son épouse fait construire en son souvenir le somptueux mausolée : le film sera un tel échec qu’il ne sortira même pas en vidéo.
Kabir , toujours bon pied bon oeil n’a rien perdu de son charme au fil des années. Outre des apparitions récentes dans de nouvelles aventures du « fils de Sandokan » en Italie, on l’a vu dans des jeux de télé réalité en Italie (pour vedettes has been), ou animateur à la télé indienne où il interwieve les plus grandes stars d'aujourd'hui.
Celui qu’on surnomme le Sean Connery indien qui s’est également illustré sur les planches avec succès (notamment dans Othello). Il devrait prochainement retrouver à l’écran la star de son 1er film, la belle Zeenat Aman. Alors, on pourra se gausser mais force est de constater que le ténébreux Sandokan a réussi un étonnant parcours que pourraient lui envier pas mal de vedettes indiennes!








lundi 7 septembre 2009

Farid El Atrache, le solitaire







Né en 1907, Farid El Atrache est issu d’une lignée de princes druzes d’origine libanaise exilés dans le sud de la Syrie qui se sont opposés successivement à l’occupation ottomane puis française. Lors de la rebélion des leaders druzes contre les français (1923), le jeune garçon est obligé de se sauver en Egypte, sous un nom d’emprunt, avec sa mère, son frère et sa sœur , pour éviter tout risque de représailles.
Sans le sou, la famille va connaître des moments pénibles et sa maman est obligée de chanter dans les cabarets pour survivre. Très attiré par la musique, Farid étudie le chant au lycée français, et se produit lors de fêtes scolaires, dans la troupe de Badia Massabni , fondatrice syrienne de la danse moderne orientale et propriétaire du premier cabaret du Caire. Il est engagé par diverses radios locales, où il chante ou joue du oud, un instrument pour lequel il se révèle excessivement doué. Parallèlement sa sœur entame une carrière de chanteuse sous le nom d’Asmahan. L’ étrange beauté de cette dernière et ses qualités d’interprète vont très vite remporter un succès sensationnel. Un producteur de cinéma audacieux tente alors d’exploiter les talents du frère et de la sœur, en les mettant en vedettes dans un même film: pari risqué d’autant plus que Farid exige de composer toutes les chansons. Victoire de la jeunesse (1941) est un triomphe et fait du duo deux stars de cinéma.
Le film tourné avec des moyens rudimentaires ne vaut le coup d’œil que pour ses numéros musicaux et le charisme de la fascinante Asmahan. Grisé par la gloire soudaine, il semble que Farid se soit alors enlisé dans une vie de plaisirs faciles, cumulant les dettes de jeu. Le décès mystérieux de sa sœur dans un accident de voiture (dans des conditions qui n’ont jamais été élucidées, probablement un assassinat commandité par les services du contre espionnage) va profondément affecter le chanteur.
En 1946, Farid rencontre la talentueuse danseuse Samia Gamal qui devient sa compagne, et probablement le grand amour de sa vie, même s’il ne l’épousera jamais : pour lui l‘art et une vie maritale sont incompatibles. Misant sur leur complicité et leur complémentarité, Farid investit toutes ses économies en produisant en 1947 un film avec sa compagne : le triomphe est tel qu’il va faire la fortune du chanteur.
L’alchimie entre les deux artistes est évidente et les quelques films que le couple enchaîne figurent encore parmi les plus célèbres de l’histoire du musical arabe. Madame la diablesse (1948), peut être le meilleur du lot, propose une histoire amusante (un chanteur épris d’une jolie sorcière sortie d’une lampe merveilleuse) avec de jolis numéros musicaux.
J’ai aussi un faible pour ne le dites à personne , autre grand classique du genre, rehaussé par la présence de la facétieuse Nour el Hoda aux cotés du couple. Certes, Farid n’est pas un très bon comédien, et il a tendance à multiplier les grimaces pour exprimer ses sentiments ou faire rire le public, mais sa voix est si divine et les chorégraphies de Miss Gamal si splendides, que cela n’a guère d’importance
En 1952, le couple le plus célèbre d’Egypte se sépare avec beaucoup d’amertume. On murmure alors que Samia qui veut tenter sa chance à Hollywood s’est beaucoup rapprochée du roi Farouk. De son coté, Farid n’est pas insensible au charme de la jeune Narriman, la nouvelle épouse du roi. On n’est pas loin du scandale. La même année, le roi est renversé par un coup d’Etat et contraint à l’exil. Malgré le rapide divorce de la reine, la romance de Farid et de Narriman tournera court, notamment pour des raisons familiales et politiques, laissant le chanteur profondément amer et dépressif.
Sans Samia, Farid poursuit sa carrière au cinéma avec toujours autant de succès, cependant peu à peu il abandonne les comédies légères pour aborder des sujets toujours plus mélancoliques dans lesquels il incarne toujours le jeune homme solitaire torturé par des problèmes sentimentaux. Dans la chanson immortelle (1952),son film le plus connu , il s’éprend de la timide Fatem Hamama, très malade (et chante gémir gemel, un de ses plus mémorables tubes). Dans le roman de mon amour (1955), il est obligé de renoncer à la femme qu’ il aime pour des raisons sociales et pleure de longues minutes sous la pluie (au passage, il me semble avoir rarement vu ce genre de scène dans un film occidental où les hommes ne pleurent pas).
Dans adieu à ton amour (1956), il est condamné par une maladie incurable et s’écroule mort à la fin de son tour de chant, alors que dans serment d’amour (1955) piteux remake de la dame aux camélias, c’est sa bien-aimée qui meurt de la tuberculose. Qu’on se rassure, le plus souvent les mélos se ponctuaient par un happy-end, car c’est-ce que le public populaire demandait, et que ces films n’avaient d’autres ambitions que de se plier aux envies des spectateurs. Comme l’a confié le grand Youssef Chahine qui dirigea deux fois Farid (adieu à ton amour, c’est toi mon amour), il n’était pas question de faire de l’art, mais de satisfaire le public le plus large.
Ce qui ne veut aucunement dire que ces films étaient tous mauvais, même si les critiques occidentaux ont rarement été tendres avec eux (notamment lors de la sortie de ses films sur les écrans français dans les années 60-70 pour la clientèle maghrébine et plus particulièrement dans la salle du Louxor qui projetait ses films presque constamment, avec parfois des problèmes de sous-titrages) . Néanmoins avant de tirer à boulet rouges sur le jeu forcé des comédiens ou la pauvreté de la réalisation, ceux-ci n’ont pas forcément fait part de beaucoup d’ouverture d’esprit. Je trouve notamment que Jour sans lendemain (1961) de Bakarat est assez réussi, et traduit bien l’atmosphère pesante d’une fille dominé par un père trop possessif, qui sombre dans la folie. Dans ce film, tout comme dans les rivages de l’amour (1960), Farid se révèle également tout à fait correct en tant que comédien. Dans un genre plus léger, on retiendra c’est toi mon amour, comédie assez enlevé où il se chamaille continuellement avec la jolie Shadia qu'on veut lui faire épouser de force (et pour laquelle il aura aussi un gros coup de cœur loin des caméras)
En tous les cas, dans les mélos comme dans les film plus légers, c’est surtout sa façon de chanter qui séduit, ou même bouleverse. Musicalement, l’artiste n’hésite pas à explorer de nouveaux terrains en s’inspirant aussi bien des tangos argentins que des flamencos (il fut aussi comparé à Tino Rossi, ce qui est bien réducteur), tout en saluant les différents pays arabes, comme dans Monsieur Rossignol (1948) avec sa compatriote Sabah.

Farid El Attache va poursuivre sa carrière à l’écran jusqu’à son décès en 1974, parfois dans des rôles de jeune premier dont il a passé l’âge depuis longtemps . Il souffre de problèmes cardiaques et sa passion pour le jeu a fini par avoir raison de l’immense fortune qu’il avait amassé avec ses films et ses disques.
Amaigri et épuisé par ses problèmes cardiaques, l’acteur chante encore dans les mélodies de ma vie (1975) qui sortira après sa mort. Avec ses tempes grises, ses grands yeux luisant maquillés et son air fatigué, il présente une petite ressemblance avec Georges Guétary des dernières années.
Le prestige de Farid El attache demeure intact 35 ans après son décès dans les pays arabes, et beaucoup de chanteurs des jeunes générations de Khaled à Ishtar reprennent ses standards en hommage. La sortie de plusieurs DVD permet aussi d’apprécier ses films enfin dans des conditions optimales (autrefois, on ne trouvait que des vidéos pirates de qualité douteuse

dimanche 5 juillet 2009

Adieu, Harve Presnell, le baryton de l'ouest







Vedette des comédies musicales dans les années 60, Harve Presnell vient de nous quitter à l’âge de 75 ans, d‘un cancer du pancréas. Il est dommage que cet artiste aussi doué pour le chant que pour la comédie soit entré tardivement dans l’univers du film musical, alors que le genre était déjà moribond à Hollywood, car sa présence et son charme viril auraient pu faire de lui l’équivalent d’un Howard Keel. En tous les cas, le comédien a pu se rattraper en fin de carrière, dans les années 90, en trouvant sa place dans des films réalisés par les metteurs en scènes les plus en vue actuellement.

Né en 1933, Harve Presnell envisageait à l’origine de devenir chanteur d’opéra. Le compositeur Meredith Wilson, connu surtout pour son opérette The Music Man, le remarque lors d’une audition et lui confit le rôle principal du musical la reine du Colorado, biographie romancée de Molly Brown, une activiste américaine surtout connue pour être rescapée du Titanic. Le spectacle triomphe sur les scènes de Broadway et Harve est retenue pour figurer dans l’adaptation au cinéma (alors que Tammy Grimes est remplacée par Debbie Reynolds). Le film est très réussi, notamment grâce au dynamisme et à la fantaisie de la petite Debbie qui n’a jamais été aussi brillante. Dans le rôle du mari de l’insubmersible Molly, Harve est également très remarqué pour son charme et sa chaude voix de baryton.
Sa prestation lui vaut un golden globe en tant qu’espoir masculin de l’année.
Le grand succès du film aurait théoriquement du placer Harve sur la route du succès. Malheureusement, les grands studios américains ne misent plus du tout sur le genre musical, trop coûteux et trop risqué financièrement compte tenu de quelques fiascos accumulés les années précédentes. Tout juste se contente t’on de porter à l’écran les spectacles qui avaient cartonné à Broadway.
Aussi, Harve ne trouve rien de mieux à se mettre sous la dent qu’un petit musical pour les jeunes, « When the boys met the girls », remake de girl crazy, avec les immortelles chansons de Gershwin et la curieuse apparition de groupes en vogue comme les Herman’s hermits . Harve du haut de son mètre 93 forme un curieux couple avec la petite Connie Francis (1 m 56): on a l’impression qu’il tient une gamine par la main. Les numéros dansés sont assez décevant, en raison d’un manque de moyens évident et le film demeure juste regardable pour la fort belle interprétation des standards de Gershwin par les très belle voix de Miss Francis et d’Harve.
La même année, on le retrouve dans « les compagnons de la gloire » un western de cavalerie tout à fait honnête et parfaitement bien photographié, inspiré de fort Apache, sur un scénario de Sam Peckinpah.

En 1969, il rejoint la prestigieuse distribution du western musical la caravane de l’ouest (Clint Eastwood, Lee Marvin, Jean Seberg)réalisé par Joshua Logan. Qualifié à l’époque de catastrophe, le film mérite vraiment d’être revu car il est loin d’être honteux. Certes la réalisation laisse à désirer mais l’interprétation est loin d’être aussi mauvaise qu’on l’avait prétendu à l’époque (on avait évidemment reproché aux 3 vedettes de ne pas savoir chanter : ce qui était vraiment stupide car tout le monde a raffolé de la façon merveilleusement fausse dont Marvin s’acquitte de wondrin’ star) . Seule la prestation d’Harve Presnell avait été saluée par la critique. Il faut dire qu’il chante merveilleusement bien sa chanson Mariah et qu’avec sa barbe il n’a jamais autant ressemblé à Howard Keel, avec lequel il fut tant comparé et que les passages où il figure rappellent fort les 7 femmes de Barberousse.
Vous ne vous souvenez plus de sa présence dans ce film? Peut être parce que à sa sortie, presque toutes ses scènes ont été coupée en France!
L’acteur est ensuite contraint de retourner chanter sur scène , notamment à Londres dans une adaptation musicale très chahutée d’autant en emporte le vent, où il tient bien évidemment le rôle de Rett Butler ou dans Camelot où sa glorieuse interprétation du magique « if ever I would leave you » créé par Robert Goulet lui vaut d’être acclamé par le public. Son interprétation de Don Quichotte dans l’homme de la Mancha est également très applaudie. Harve Presnell ne craint pas non plus d’aborder un répertoire plus ambitieux en enregistrant le carmina purana de Carl Orff ou en chantant en duo avec Marilyn Horne

En changeant de personnage , en abandonnant la panoplie du charmeur de Broadway et la perruque qu’il portait depuis des décennies, Harve Presnell est parvenu à relancer sa carrière à la télévision puis au cinéma dans des rôles de composition, le plus souvent d’hommes d’affaires sans scrupules. Parmi ses participations les plus remarquées, on note la série le caméléon , Fargo (1996) le film culte des frères Coen, volte-face de John Wood1997) ou Il faut sauver le soldat ryan. (1998) de Spielberg, de très gros succès commerciaux.
En somme, un retour inespéré pour un acteur dont le nom n’était même plus mentionné dans les anthologies du film musical !

samedi 4 juillet 2009

Claudio Villa, le petit roi de Naples



Claudio Villa fut probablement l’un des chanteurs populaires italiens les plus adulés du 20ème siècle. Le peuple italien avait le plus grand respect et la plus profonde affection pour cet homme d’origine très modeste dans lequel il se reconnaissait. Ses sérénades ont non seulement charmé ses compatriotes mais également le monde entier. Parmi ses innombrables disques, on compte des 45 tours en français (des chansons de Bécaud), en espagnol mais aussi japonais, anglais et serbo-croate. Une voix puissante et une bonhomie que l’on pouvait à l’occasion apprécier sur les écrans de cinéma.
Né en 1926 d’un père cordonnier et d’une maman couturière, le petit Claudio connaît une enfance misérable. Après avoir travaillé dans une imprimerie, il remporte un concours de chant à la radio.
En 1948, on lui propose de chanter sur la bande son du film « Sous le soleil de Rome » une comédie réaliste assez sympathique. Le succès du film est déterminant. En 1950, la chanson « luna rossa » fait de lui une star nationale (elle sera reprise aux USA par Sinatra et en France par Tino Rossi et Pierre Malar, un chanteur de charme qui s’inspire beaucoup du style de Villa et de sa façon particulièrement mélodieuse et suave de susurrer ses ritournelles).
La même année, il chante brièvement en duo avec Suzy Delair dans « je suis de la revue » sorte de méli-mélo musical à la distribution internationale. Il assure également la partie chantée de « Voir Naples et mourir » 1952 de Ricardo Freda avec la regrettée Gianna Maria Canale.
Le chanteur triomphe plusieurs fois au fameux Festival de San Remo dont l’impact est international dans les années 50 et 60 (la variété italienne ne s‘est jamais aussi bien portée et exportée qu‘à cette époque). En 1955, il remporte le prix …sans être présent. Souffrant, Claudio n’a pu se déplacer et son disque a été diffusé dans la salle! Il s’agit du « torrent » autre énorme succès repris en France par Maria Candido.
Parallèlement son activité discographique (c’est fou le nombre de disques qu’il a pu enregistrer!), Claudio Villa joue et chante dans beaucoup de films dont il est la vedette. Il s’agit soit de comédies gentillettes avec beaucoup de chansons (principal argument de vente de ces productions) ou de sombres drames comme le public populaire les appréciait. Un genre peu connu chez nous : si les films de Claudio ont été exploités en Belgique, peu ont franchis la frontière française . En revanche, les romans photos adaptés de ces séries Z étaient importés chez nous, si bien qu’on pouvait lire ces sortes de bandes dessinées avec les photos de Claudio. Un peu dommage quand même quand on sait que sa voix était sa principale qualité! Le public français peut néanmoins l’applaudir à l’Olympia en 1958 où Piaf et Fernandel viennent le féliciter. Il triomphe aussi au Japon et au Mexique où il tourne un film avec la belle Rosita Quintana (plus connue pour avoir joué Suzanna la perverse pour Bunuel).
En 1959, on le retrouve dans « c’est arrivé à San Remo » revue musicale tournée pendant le concours avec les participants du moment
Petit et robuste, il n’a pas vraiment un physique de séducteur mais incarnait le brave petit gars du pays. Ainsi dans quanto sei bella Roma, il incarne un garagiste à la voix d’or chargé de chanter la sérénade à deux touristes fortunées. Un argument des plus légers juste utile à faire passer de belles vues de la ville éternelle et des chansons sympas (comme la reprise du tube « vivre de Tito Schipa que Claudio chante sur sa vespa.
Avec l’arrivée du rock et de nouveaux chanteurs à la mode comme Celentano ou Mina, certains jeunes jugent Claudio démodé et lui jettent des tomates lors de ses concerts. Le chanteur va parvenir à garder une belle côte d’amour auprès du public en résistant à la déferlante yéyé. En donnant davantage de la voix , le chanteur de sérénade prouve sa parfaite technique et une puissance qui lui aurait largement permis de se lancer dans l’opéra avec des reprises réussies de Granada ou de malaguena qui lui valent des prix d’interprétation à la télévision.
En 1967, il remporte encore le festival de San Rémo avec son dernier très gros succès « Non pensare a me » repris aux USA par Connie Francis. La même année il tourne en Espagne Addio Granada . L’intrigue est faiblarde (un veuf chante dans des petits troquets avant de tenter sa chance en Espagne) mais Claudio y reprend ses plus grands tubes dont le dernier en date, non pensare a me.
Si Claudio reste un chanteur respecté, ses disques des années 70 et 80 se vendent beaucoup moins, même s’il se produit toujours à la télé et dans des concours de chant comme San Remo.
En 1978, il tourne son dernier film, Melodrammore, parodie grotesque des mélos des années 50 comme Claudio et Amadeo Nazzari avaient pu en tourner autrefois.
Victime d’un infarctus, Claudio Villa décède à 60 ans des suites d’une intervention chirurgicale. La nouvelle de sa disparition est annoncée à la télévision pendant le festival de San Remo où il s’était si souvent produit par le passé. Les spectateurs envahis par l’émotion lui réserveront une minute de silence et une standing ovation. Comme en 1955, le chanteur obtiendra un ultime triomphe sans être présent.
Après son décès, le chanteur fera encore parler de lui dans la rubrique des faits divers quand sa fille naturelle sortira de l’ombre pour demander en justice une reconnaissance de paternité (que Claudio lui avait refusé de son vivant). Le papa tranquille du show business menait dans les années 60 une double vie entre son épouse et une danseuse dont il aura deux enfants. Il faut rappeler que le divorce n‘a été légalisé en Italie qu‘en 1970! En tous les cas, en écoutant la belle voix de Manuella Villa, on ne doute pas qu’elle soit la fille de l’illustre chanteur, même si sa carrière est loin d’être aussi brillante.

vendredi 12 juin 2009

Shah Rukh Khan, le roi de Bollywood




Portrait réalisé par Jordan White et reproduit ici avec son autorisation amicale :

Impossible de parler de Bollywood aujourd'hui sans évoquer le nom de Shah Rukh Khan, surnommé King Khan ou Baadshah, comédien aux multiples facettes, vénéré en Inde comme dans le reste du monde, que ce soit en Occident, en Angleterre surtout comme dans les Dom-Tom où il nourrit un véritable culte. Alter-ego masculin de Kajol, Shah Rukh Khan est un "self-made man".

Sa vie est un véritable Bollywood à elle toute seule, jalonnée de malheurs, de deuils, saupoudrée aussi d'une bonne dose d'amour fou.
Né le 2 novembre 1965 à New Delhi, il a une soeur nommée Shehnaaz. La légende dit que son père, employé dans les transports a traversé le Pakistan à pied pour venir en Inde travailler en tant qu'entrepeneur. Sa mère était magistrate et oeuvrait dans le social. Le ciment familial est détruit lorsque son père meurt d'un cancer alors qu'il n'a que quinze ans.

A la fin des années 80, il rencontre Gauri qui deviendra son épouse (et avec qui il a deux enfants Aryan et Suhanna), elle hindoue, lui musulman. Clash des familles qui n'acceptent pas cette union. Après avoir bataillé pour faire entendre leur voix, Shah Rukh obtient finalement la main de Gauri et il se marie en 1991. Il connaîtra la même année un second choc avec la mort de sa maman qui ne verra pas leur union. Il a tout juste vingt six ans et se raccroche à Dieu. Une foi qu'il va perpétuer plus tard avec ses deux enfants en leur inculquant le respect des religions et des cultes (on le voit faire une procession de A à Z auprès d'eux dans son DVD The Inner World)
Etudiant aussi doué dans les études qu'en sport pendant ses années de fac, il préfère pourtant la voie la moins facile, celle de l'actorat, sans aucune relation.

Il commence sa carrière dans une série locale, où il va rencontrer une personne déterminante dans son parcours, un certain Ashutosh Gowariker, lui aussi acteur à l'époque et futur réalisateur du grandiose Lagaan. Ses apparitions dans ces soap lui valent d'être remarqué par des producteurs qui envisagent d'en faire une star du ciné. Encore faut-il qu'il les convainque.
Ce sera chose faite à partir de 1992 avec Deewana, sympathique nanar. Armé de son mulet et d'une incroyable capacité à jouer sur la corde sensible du mélo, il démontre une fougue juvénile qui emballe les spectateurs. Il joue en en faisant des tonnes et pourtant ça fonctionne.
C'est à partir de 1993, que le symptôme de la lèvre tremblante, mimique qu'il reprendra souvent, se fait de plus en plus visible.
1993 et Baazigar qui lui permet de rencontrer Kajol, avec laquelle il va former le couple le plus célèbre du cinéma des années 90 en Inde.
Il joue un rôle que tout le monde a refusé (y compris Aamir Khan) et gagne son premier film fare award. Une étoile est née. Une étoile brillante qui ne s'étiole pas mais gagne au contraire en puissance et aura.

Il enchaîne les rôles plus ou moins marquants, souvent des méchants à une époque où la vague commence à s'essouffler un peu.
A ce moment là le visuel des films paraît encore très ancré dans les années 80, une esthétique criarde avec des couleurs poussées, des scénario prétextes et une utilisation pas toujours très judicieuse du 2.35.
1995 marque un tournant décisif, puisqu'il signe sans même lire une ligne du scénario le plus gros succès de sa carrière, Dilwale Dulhania Le Jayenge, célèbre pour être resté plus de 500 semaines à l'affiche et être encore joué dans une salle à Mumbaï.
Kajol, Shah Rukh, Jatin-Latit à la musique, Aditya Chopra à la réal, tout est là pour en faire le film d'une génération, celle des NRI qui interrogent leurs racines et se projetent dans l'avenir d'une vie à l'occidentale.

Autre carton pour un résultat pourtant tout autre, tourné avant, outré jusqu'à l'excès, Karan Arjun en 1995, avec Salman Khan, véritable déclaration de guerre aux conventions du cinéma, avec des partis pris totalement délirants, tant du point de vue du scénario que de la réalisation et une violence débridée quasiment BD. Plutôt drôle, Karan Arjun permet de retrouver Omrish Puri, monsieur "Méchant" du ciné hindi qui se régale à en faire des tonnes.

Il tourne beaucoup, de la comédie sentimentale au film d'action en passant par la comédie musicale et le thriller. Il a pour partenaire rien moins que des légendes comme Madhuri Dixit ou Manisha Koirala avec qui il joue dans Dil to Pagal Hai en 1997, film qui aujourd'hui a pris un sacré coup de vieux. Puis Yes Boss, Koyla et j'en passe.

Jusqu'à Dil Se de Mani Ratnam en 1998. Où il est partenaire d'une toute jeune débutante, Preity Zinta. Shah Rukh Khan s'efforce de mettre en avant les actrices qui l'entourent afin de ne pas prendre toute la part du gâteau pour lui. Nouveau carton la même année, en Octobre, pour Kuch Kuch Hota Hai, si célèbre, que les spectateurs chantent les paroles à tue-tête en pleine rue et apprennent les répliques du film par coeur.

Il est le Baadshah ( l'Empereur) de Bollywood, accumulant les succès, et possédant en Inde comme hors territoire une influence majeure et une renommée grandissante. Le seul acteur qui ait jamais bénéficié auparavant de ce surnom était Amitabh Bachchan, que Shah Rukh considère comme son modèle.
Il est à l'affiche de films tels que Phir Bhi Dil Hai Hindustani avec Juhi Chewla qu'il aura aussi pour partenaire dans One 2 Ka 4, parodie de Mission Impossible. Il change de registre en 2001 en interprétant le rôle audacieux d'un guerrier dans Asoka qui est un bide public. Celui-ci le préfère dans le role de l'éternel gendre idéal plutôt que de le voir tenter des choses. Ce qui n'empêche pas Asoka d'être remarquable à tous points de vue.

Résultat : nouveau carton pour sa deuxième collaboration avec La Famille Indienne, où il est à nouveau dans les bras de Kajol, actrice pour lequel il éprouve une profonde amitié et admiration (comme on le comprend !)
Le couple fait des étincelles, sur des chorégaphies endiablées ou romantique dont Suraj Sua Maddham resté fameux pour son décor de pyramides d'Egypte.

Contacté par Sanjay Leela Banshali il se perd dans l'adaptation monumentale de Devdas, remake du classique de 1952 où son cabotinage se transforme en une lourde performance démonstrative dans le rôle titre. La surcharge esthétique constante, l'absence de rythme achèvent de rendre Devdas imbuvable. Il monte cependant les marches de Cannes en 2002 alors quasi inconnu en France hormis des fans qui ont déjà vu ses films, au bras d'un certaine Aishwarya Rai ancienne Miss Monde.

Il passe a la comédie dramatique, au pur masala avec le petit bijou New York Masala, réalisé par Nikhil Advani dans lequel il interprète Rahul, ange gardien "tombé" du ciel qui réconciliera des êtres chers et leur permettre de vivre le grand amour. Beau succès pour ce beau film dans lequel il retrouve Preity Zinta, au jeu mûri et à la beauté frappante.
Saif Ali Khan ajoute l'autre touche masculine d'un film très sensible, qui laisse parler le personnage féminin à la première personne avec une utilisation judicieuse de la voix-off.

Il se lâche en 2004 avec Main Hoon Na, récréation offerte par son amie et chorégraphe de talent Farah Khan qui veut faire un film d'action avec plein de gadgets, de blagues potaches et de chorés. Semi-réussite ou semi-ratage, le film se regarde sans déplaisir.
Il tourne en parallèle le magnifique Veer-Zaara de Yash Chopra, où il est Veer, pilote de l'armée indienne qui va se battre pour retrouver son nom, donc son identité et son amour propre. Histoire d'amour fou, de réconciliation, de fraternité, qu'il embrasse avec un jeu ouvert et une fraîcheur revigorante à trente neuf ans.

Mais le meilleur de sa carrière, la maturité ne vient-elle pas avec ce cadeau offert par Ashutosh Gowariker et son Swades, film où il interprète un agent de la Nasa qui revient sur son histoire tout en promouvant le progrès dans son village natal ? A quarante ans, il est alors au sommet, un film se produisant sur son nom, les réalisateurs se bousculant pour le faire jouer. Il en profite alors pour produire les films qui l'inspirent plus ou moins, comme Kaal ou Paheli, échec retentissant au box office.
Il revient en 2006 avec Khabi Alvida Na Kehna où il fait du mauvais Shah Rukh, se parodiant lui-même dans le rôle du mari blessé qui commet l'adultère. Four artistique et film trop moralisateur pour fonctionner sur le spectateur occidental et indien, il est à oublier au plus vite. Farhan Akhtar lui propose Don, petit modèle de mise en scène qu'il se délecte à interpréter, trente ans après Amitabh. La boucle est bouclée.

Shah Rukh revient en 2007 avec Chuk de India où il sera entraîneur d'une équipe de hockey féminin, puis dans le nouveau Farah Khan.
Il est aujourd'hui la plus grande star de Bollywood, en compétition directe avec des acteurs comme Hrithik Roshan et Aamir Khan.
Shah Rukh est un acteur qui m'aura souvent fait pleurer, je pense notamment à New York Masala, et rien que pour cela, pour ses moments d'émotion intenses, je lui voue admiration et respect.
L'exemple d'un homme venu de nulle part, qui devient un monument du cinéma indien et du cinéma tout court, un exemple vivant de réussite sociale et professionnelle, qui lors de sa venue à Paris en Avril 2006 nous a fait partager son professionnalisme mais aussi son étonnante authenticité, son humilité et sa foi. Celle d'un homme admiré par des millions de personnes qui a su garder les pieds sur terre.

MON AVIS :
Un regard malicieux, un talent certain pour la danse, une tendance à cabotiner et à en faire des tonnes dans certains films, mais bon on le prend tel qu'il est, tant son personnage est attachant. Son nom demeure associé aux plus grands succès du film musical indien des 10 dernières années. Impossible d'échapper au phénomène en Inde : on le voit partout. Sur des panneaux publicitaires géants pour le savon Lux ou Pepsi Cola, dans l'épicerie du coin sur des barres chocolatées...
Si son nom est encore ignoré des personnes qui ne s'intéressent pas du tout au cinéma indien, comme tu le remarques, il est super connu dans les DOM, à la Réunion, principalement (compte tenu notamment de l'importante communauté indienne). La fausse rumeur de son décés avait causé là-bas l'émoi des collégiennes. Son passage dans un show 100 % play back (et pour cause, car il est toujours doublé pour le chant, comme toutes les stars du cinéma indien) avait fait sensation. Il a mis le public dans sa poche en criant à la foule "voulez vous coucher avec moi"(les seuls mots de français qu'il connaisse)! Et pourtant justement, le fait qu'il fasse un spectacle en play back avait été vivement critiqué par la presse locale - je me demande ce que ça donnerait s'il venait faire son show en métropole...
Pour les amateurs de films musicaux qui ignorent encore tout du cinéma indien, une séance de Devdas ou de la famille indienne s'impose : évidemment, on met parfois un peu de temps à rentrer dans le film, à s'habituer au rythme, aux danses un peu saccadées, à l'aspect ultra sentimental, aux voix très aigües des chanteuses mais une fois qu'on est "happé", on tombe sous le charme.

dimanche 7 juin 2009

les Nicholas Brothers, la plus éblouissant duo de danseurs à claquettes





Parmi les danseurs les plus éblouissants et les plus spectaculaires de l’histoire du film musical, réservons une place toute particulière aux Nicholas brothers. Il faut les avoir vu danser pour le croire tant leur souplesse, leur dynamisme et leurs acrobaties ont quelque chose de surnaturel : le génial Fred Astaire n’a-t-il pas lui-même déclaré que le numéro des Nicholas dans Stormy Weather était la meilleure séquence de comédie musicale qu’il ait jamais vu ? Fayard (né en 1914 à Philadelphie) et Harold (né en 1921) évoluent depuis leur plus jeune âge dans le milieu du show business. Leurs parents sont musiciens et les emmènent voir les plus grands artistes noirs du moment, notamment le grand Bill Robinson. Sans avoir suivi de cours particuliers, Fayard se révèle très vite un as de la danse, et copie les numéros des stars qu’il a vu sur scène pour épater ses copains. Par mimétisme, son tout jeune frère ne peut s’empêcher de suivre son exemple. Très vite, Fayard et son petit frère sont remarqués et font en 1932 leurs débuts au Cotton Club le mythique cabaret dans lequel les plus grands jazzmen noirs (Duke Ellington, Cab Calloway, Ethel Waters…) se produisent devant un public blanc. Aussi doués pour la fantaisie, le chant que pour la danse acrobatique, les jeunes gens font un tabac. En 1936, ils font un malheur aux Ziegfeld Follies et éclipsent Joséphine Baker, qui reçoit un véritable camouflet des spectateurs américains, incapables de comprendre le succès de celle-ci auprès du public français. avec Joséphine Baker Les Nicholas sont très vite engagés à Hollywood afin d’apparaître dans de courts passages de comédies musicales (comme kid Millions, the big broadcast of 1936…) : il s’agit simplement de numéros dansés en guest-star : jamais ils ne joueront un véritable rôle dans un film. En 1940, avec l’aide du chorégraphe Nick Castle, les deux frères signent un contrat avec la Fox. C’est pour ce studio qu’ils feront leurs films les plus populaires et les plus mémorables. Dans Sous le ciel d’Argentine, leur premier film en couleurs, leur numéro énergique est particulièrement remarqué. Même chose pour leurs danses échevelées dans la fameuse séquence du Sheik d’Arabie de Tin pan Alley (1940) avec Alice Faye et Betty Grable. Notons d’ailleurs que leur numéro sera pas mal trituré par la censure en raison des girls très déshabillées au fond du décor. En revanche, il semble que contrairement au sort réservé à Lena Horne à la MGM, la Fox avait prévu une clause au contrat des Nicholas prévoyant que leurs passages ne seraient pas coupés, même dans les états racistes du Sud : sage décision d’autant plus que leurs numéros était souvent le clou des films en question ! Des esprits chagrins se sont plaint bien plus tard que les Nicholas n’avaient jamais participé aux mouvements anti-racistes et qu’ils s’étaient acomodés du système, en acceptant les règles d’Hollywood et en se contentant de passages dansés en guest-stars alors que les Fred Astaire, Gene Kelly et les autres artistes blancs avaient droits aux rôles principaux, aux meilleures chansons, etc… Mais qu’auraient ils pu faire dans le Hollywood de l’époque ! Jamais on ne leur aurait permis de danser avec Betty Grable, la vedette de deux de leurs films, comme l’a dit Harold. En 1941, dans « Tu seras mon mari », les Nicholas dansent sur le célèbre air de Glenn Miller « Chatanooga choo choo » avec la toute jeune Dorothy Dandridge. La future star de Carmen Jones sera la première épouse d’Harold. Un mariage malheureux qui tournera court : Harold est infidèle, et leur fille naît gravement inadaptée. Elle sera placée dans un institut spécialisé. avec Dorothy Dandridge. Le plus mémorable numéro des Nicholas, c’est évidemment le « Jumpin’jive » du film Stormy weather (1943) qui de Fats Waller à Bill Robinson réunit les plus grands talents noirs du show business américain. L’histoire n’est pas folichone mais les artistes sont tous éblouissants. Sans doute stimulés par cette incroyable concurrence, les Nicholas se révèlent tout bonnement incroyables, défiant la pesanteur, se jetant dans les escaliers pour effectuer une série de grands écarts impressionnants, et sans les mains! En 1946, les Nicholas jouent dans un spectacle de Broadway, St Louis Woman avec Pearl Bailey. Seule la chanson « come rain or come shine » interprétée par Harold deviendra un succès, que Margaret Whiting puis une liste incalculable de chanteurs mettront à leur répertoire. En 1948, les Nicholas dansent avec Gene Kelly dans le fameux et merveilleux « Pirate » de Minnelli, probablement leur meilleur film. La séquence « be a clown » (une chanson qui sera largement plagiée pour le fameux air Makin’ laugh de Chantons sous la pluie), dirigée avec acharnement par Kelly, répétée et filmée pendant toute une journée, les laissera sur les rotules. La même année, le duo a l’honneur de donner une représentation pour la cour royale d’Angleterre. Dans les années 50, les deux artistes vont effectuer des tournées dans le monde entier. A l’occasion, on les verra dans divers films internationaux, dans lesquels comme à Hollywood, ils se contentent d’un numéro musical, comme dans je suis de la revue (1951) avec Fernandel et Suzy Delair, Bonjour Kathryn (1956) avec Caterina Valente. Comme beaucoup d’artistes blacks en tournée, les deux frères ont un véritable coup de foudre pour l’Europe : on les accueille comme de vraies stars sans aucun problème de racisme (alors qu’à Las Vegas, les grandes stars blacks étaient souvent obligées d’emprunter des passages dérobés pour venir chanter dans des hôtels dans lesquels elles n’avaient même pas le droit de loger ou d’utiliser la piscine. Sous le charme, Harold décide de s’installer à Paris et de continuer sa carrière de danseur mais surtout de chanteur en solo : il va ainsi enregistrer plusieurs disques en français au début des années 60, dont un EP avec seulement des madisons, la danse en vogue en 1963. Il va également tenir son premier vrai rôle de composition dans un polar français dont Eddie Constantine est la vedette. Dans les années 70, les deux frères de retour aux States fondent une école de danse dont certains élèves deviendront célèbres à leur tour : Janet et Michael Jackson, Debbie Allen. Les petites filles des frères Nicholas monteront également leur propre show : les Nicholas sisters. A la fin de leur vie, les hommages vont se succéder : une soirée spéciale au Carnegie hall, une médaille remise par George Bush, une étoile sur Hollywood boulevard. Occasionnellement, on retrouve Harold dans des films comme taps avec le grand danseur black Gregory Hines (qui jouera par la suite le rôle de Bill Robinson à l’écran). Grand admirateur des Nicholas, Gregory Hines déclarera qu’il serait impossible de tourner un biopic sur la vie des Nicholas car personne ne serait capable de danser de façon aussi spectaculaire qu’eux, à moins de recourir à de trucages ! Les Nicholas brothers nous ont quitté (Harold en 2000 et Fayard l’an dernier), mais les fans de la comédie musicale ne risquent pas de les oublier.